L’enquête collective « Ruptures », aujourd’hui intitulée JUSTINES, est consacrée au traitement judiciaire des séparations conjugales, des couples mariés ou non. Elle interroge le travail judiciaire sur les histoires familiales, pris dans des rapports de domination de classe, de race, de genre voire d’âge, entre ex-conjoints mais aussi entre justiciables et professionnels de la justice. Il s’agit de comprendre à la fois l’augmentation des ruptures d’union dans tous les milieux sociaux et le maintien de pratiques différenciées de régulation des litiges familiaux. L’enquête, initialement financée par la Mission de Recherche Droit et Justice (projet sous la responsabilité de C. Bessière et S. Gollac), a d’abord porté sur quatre tribunaux de grande instance français et utilise des méthodes d’enquête à la fois ethnographique (observations d’audience, entretiens avec les professionnels de la justice aux affaires familiales) et statistique (constitution et exploitation de bases de données originales à partir d’archives judiciaires et d’observations d’audiences). L’enquête a été étendue à trois tribunaux québécois, grâce à plusieurs financements de projets sous la responsabilité d’Emilie Biland (professeure-adjointe en science politique à l’Université Laval). Cette recherche est actuellement financée par l’ANR « Ruptures » Jeunes chercheuses coordonné par Céline Bessière et comporte maintenant trois grands volets mis en œuvre en France et au Québec :
1. Circulation des instruments de la justice familiale : en amont du tribunal, comment s’élaborent certains dispositifs juridiques, procéduraux ou techniques qui informent les activités des services aux affaires familiales ? Comment cette élaboration se joue-t-elle à différentes échelles, provinciale, nationale, internationale ? Comment ces dispositifs sont-ils différemment appropriés selon les contextes locaux ? Répondre à ces questions nécessite une analyse comparée, à la fois juridique et politique, de ces dispositifs depuis leur mise au point et leur discussion au sein d’instances diverses jusqu’à leur application dans les tribunaux.
2. Enquête ethnographique auprès des professionnels du droit de la famille : pour comprendre ensuite comment les professionnels et les justiciables s’approprient concrètement ces dispositifs, il faudra poursuivre notre enquête ethnographique sur les acteurs des Affaires familiales, leurs trajectoires et leurs pratiques, en complétant les observations d’audience par la prolongation du travail mené auprès de juges et des greffières, et par une enquête par observations et entretiens auprès des avocats, des notaires et des experts qui travaillent en lien avec les tribunaux enquêtés.
3. Constitution et exploitation d’une base de données à partir de dossiers judiciaires : pour saisir la façon dont cette production des politiques familiales dans les tribunaux s’articule aux rapports sociaux qui s’y jouent, il faudra combiner aux matériaux ethnographiques déjà accumulés la constitution et l’exploitation de données statistiques élaborées à partir d’archives judiciaires, permettant d’objectiver les déterminants des procédures de séparations conjugales.