C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de notre collègue Margaret Maruani. Si nous connaissons toutes et tous ses travaux majeurs sur la sociologie de l’emploi et du travail à l’épreuve du genre, d’autres parmi nous l’ont personnellement connue lorsqu’elle était membre du CSU. Margaret est décédée le 4 août 2022 à l’hôpital de Valencia (Espagne), des suites d’une longue maladie. Elle a été incinérée sur place et ses cendres seront transportées ultérieurement à Paris.
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de notre collègue Margaret Maruani. Si nous connaissons toutes et tous ses travaux majeurs sur la sociologie de l’emploi et du travail à l’épreuve du genre, d’autres parmi nous l’ont personnellement connue lorsqu’elle était membre du CSU. Margaret est décédée le 4 août 2022 à l’hôpital de Valencia (Espagne), des suites d’une longue maladie. Elle a été incinérée sur place et ses cendres seront transportées ultérieurement à Paris.
Margaret Maruani a été une pionnière des recherches sur les relations entre marché du travail et genre. Son entrée par l’activité des femmes sur le marché du travail lui a permis de théoriser la différence entre travail et emploi, en pointant la centralité des logiques de genre dans l’étude de l’évolution du monde du travail tant du côté des inégalités de genre en matière d’emploi que des « mécomptes » du chômage. En prenant pour objet les femmes, catégorie oubliée ou invisibilisée des recherches en sociologie du travail et de l’emploi au début des années 1980, elle a mis en exergue combien la dynamique de genre était structurante des marchés de travail et de l’emploi en France comme dans de nombreux pays. Ses travaux -et plus largement toutes les fonctions institutionnelles qu’elle a occupées notamment celle de chargée de mission à la MIRE (mission interministérielle de recherche) entre 1987 et 1991- ont structuré durablement et légitimé ce champ de recherche en France. Margaret est une des grandes spécialistes de ces domaines de recherche aussi bien par ses travaux que par l’animation de programmes scientifiques internationalement reconnus qu’elle a portés et animés depuis les années 1990.
Margaret a soutenu, en 1978, une thèse de sociologie "L’expression des problèmes féminins dans les syndicats et à travers les conflits sociaux à l’IEP de Paris sous la direction de Jean-Daniel Reynaud. Ce travail a donné lieu à un livre édité en 1979 sous le titre Les syndicats à l’épreuve du féminisme (éditions Syros). Elle est recrutée comme chargée de recherche au CNRS en 1983 au laboratoire de sociologie du travail au CNAM. C’est l’année de soutenance de son habilitation à diriger des recherches (1991) à l’IEP de Paris qu’elle intègre le CSU. Elle rejoint ensuite, à partir de 2010, le CERLIS (Paris 5) jusqu’à sa retraite en obtenant l’éméritat en 2018. Margaret Maruani a donc accompli la majorité de sa carrière professionnelle dans notre équipe.
Promue directrice de recherche en 1992, son apport aux études de genre en sociologie du travail et de l’emploi n’est plus à démontrer, il est immense tant par ses publications personnelles (Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, coll. "Repères", 2000 ; Les mécomptes du chômage, Paris, Bayard, 2002) que par ses collaborations avec d’autres coautrices (avec Anni Borzeix, Le temps des chemises. La grève qu’elles gardent au cœur, Paris, Syros, 1982, avec Chantal Nicole, Au labeur des dames, métiers masculins, emplois féminins, Paris, Syros, 1989, avec Emmanuèle Reynaud, Sociologie de l’emploi, Paris, La Découverte, Coll. "Repères", 1993, ou encore avec Monique Meron, Un siècle de travail des femmes en France 1901-2011, Paris, La Découverte, 2012).
Féministe, elle a aussi mis le pied à l’étrier à nombre de jeunes collègues en les associant aux ouvrages de synthèse qu’elle a dirigés leur confiant des chapitres sur leurs spécialités respectives afin de produire la trace mémorielle de ces travaux mais aussi en ouvrant la voie à ces recherches novatrices (Les Nouvelles frontières de l’inégalité. Hommes et femmes sur le marché du travail (dir.), Paris, La Découverte, Coll. "Recherches", 1998 ; Femmes, genre et sociétés. L’état des savoirs (dir.), Paris, La Découverte, 2005 ; Je travaille donc je suis : perspectives féministes (dir.), Paris, La Découverte, Coll. "Recherches", 2018) ou codirigés (avec Jacqueline Laufer et Catherine Marry (dir.), Masculin-féminin : questions pour les sciences de l’homme, Paris, PUF, 2001 ; avec Jacqueline Laufer et Catherine Marry (dir.), Le travail du genre. Les sciences sociales du travail à l’épreuve des différences de sexe, Paris, La Découverte, Coll. "Recherches", 2003, ou encore avec Helena Hirata et Maria Rosa Lombardi (dir.), Travail et genre. Regards croisés France, Europe, Amérique latine, Paris, La Découverte, coll. "Recherches", 2008). Nombre de ses publications, individuelles ou collectives, ont été rééditées ou traduites en de multiples langues, contribuant à la reconnaissance internationale des travaux hexagonaux tout en publiant également dans les sommes qu’elle a codirigée(s) des collègues d’autres pays. Margaret Maruani a été une passeuse travaillant sans relâche à la circulation des savoirs entre disciplines, entre pays et entre générations. L’organisation annuelle des colloques internationaux, journées d’études, débats dans le cadre du MAGE, dont nombre de ces manifestations feront date dans l’histoire contemporaine des sciences sociales sur le genre depuis 1995, témoigne de son engagement dans la recherche scientifique.
Enseignante à l’université de Genève depuis 2002 sous différents statuts, elle a créé le Master en études de genre dans cette université en 2006.
Véritable entrepreneuse de recherche, au sens noble du terme, elle a très largement œuvré à dynamiser les études sur le genre sur le marché du travail et de l’emploi. C’est dans cette perspective qu’elle a cofondé, en 1995, le MAGE (Marché du travail et genre), premier groupement de recherche sur le genre au CNRS qui deviendra en 2011 un réseau de recherche international et pluridisciplinaire rassemblant trente universités et centres de recherche dans treize pays.
Enfin, elle a cofondé, en 1999, et dirigé la revue Travail, Genre et Sociétés jusqu’à 2015 avant d’en devenir conseillère éditoriale. Cette revue majeure de notre discipline a grandement légitimé les recherches sur le genre dans de nombreux domaines.
Très reconnue en France et à l’international, Margaret Maruani est lauréate, en 2014, de la médaille d’argent du CNRS et Docteure honoris causa de l’université libre de Bruxelles (2000).
La présence de Margaret au CSU était discrète mais régulière et prégnante. Son attention était grande au traitement égalitaire des relations femmes-hommes dans l’équipe, signe de son féminisme chevillé au corps et de l’acuité avec laquelle elle observait de par ses recherches l’œuvre du genre dans les relations professionnelles et la division sexuée du travail.
Pour les bons souvenirs qui restent attachés à sa présence au sein de notre équipe, le CSU dont une partie des lettres de noblesse est attachée aux travaux majeurs de Margaret est profondément affecté par son décès et adresse ses sincères condoléances à sa fille, son conjoint et ses proches.
L’ÉQUIPE CSU DU CRESPPA
– Le MAGE
– Sur sa trajectoire professionnelle, voir aussi :
"Margaret Maruani, Le travail à l’épreuve du féminisme", entretien réalisé par Jacqueline Laufer et Hyacinthe Ravet, Travail, genre et sociétés, No 46, 2021.
DOI : 10.3917/tgs.046.0005