Christophe Batardy, Emmanuel Bellanger, Pierre Gilbert et Jean Rivière (eds.), « Présidentielle 2017. Les votes des grandes villes au microscope », Métropolitiques, 9 mai 2017 - En ligne
Si la présidentielle 2017 a vu de nombreux commentateurs opposer les électeurs des périphéries et des grandes métropoles, ces dernières sont en réalité loin de former des espaces homogènes. En observant une dizaine de grandes villes à l’échelle très fine des bureaux de vote, ce dossier souligne combien les variations spatiales du vote s’articulent à la géographie des inégalités.
Introduction du dossier
"Aux lendemains du premier tour de l’élection présidentielle a fleuri dans les colonnes des journaux, sur les plateaux de télévision ou sur les ondes des radios un schème explicatif binaire opposant « deux France », l’une favorable à Emmanuel Macron et l’autre à Marine Le Pen. Ce clivage a été formulé en des termes assez différents, avec des variations rhétoriques autour de l’idée de « fractures » (Jaillet et Vanier 2015). Quels que soient les mots utilisés, il intrique des divisions qui séparent des mondes sociaux et des césures qui traversent des espaces géographiques : la « France d’en haut » contre la « France périphérique » pour Christophe Guilluy (2014, 2016) ; la France des gagnants (de la mondialisation) contre celle des perdants ; celle de l’optimisme contre celle du pessimisme ; ou encore celle des valeurs « universalistes » contre celle des valeurs « ethnocentristes » (Chiche et al. 2000). Dans les analyses postélectorales qu’ils développent depuis une dizaine d’années, c’est dans des termes analogues qu’Hervé Le Bras et Jacques Lévy décrivent la France des « villes contre le périurbain » comme celle de « l’ouverture au monde » contre celle de la « fermeture ». On retrouve finalement l’opposition étymologique – ancienne et déjà dénoncée (Brunet et al. 1992) – entre les habitants des villes, qui seraient urbains au sens de policés, et les ruraux, parfois vus comme rustiques, voire rustres.
Dans certaines de ses formulations, cette opposition binaire repose sur des formes de normativité, qui manifestent notamment les craintes des élites face aux classes populaires (Collovald 2004) et traduisent un urbano-centrisme (Ripoll et Rivière 2007) que l’on peut voir comme une expression de la dimension spatiale du mépris de classe. Au contraire, recentrer l’analyse sur les effets électoraux et politiques des inégalités sociales et de leur intériorisation semble plus productif que de décréter de manière surplombante (et depuis les secteurs centraux des métropoles) qui, parmi les électeurs, sont ceux qui sont « optimistes », « ouverts » ou « universalistes »." [...] Lire la suite
Maître de conférences à l’Université Paris 8
Cresppa-CSU
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