« Transversalité », « intersectorialité », « interministérialité », « trans-sectorialité », « approche intégrée », « projet global », « mainstreaming »... Les termes abondent pour évoquer la combinaison de domaines d’action publique habituellement distincts. La multiplication et la diffusion de ces termes accompagnent la remise en cause de l’organisation sectorielle de l’action publique, produit historique de l’institutionnalisation de l’intervention de l’État dans la société. Si cette dynamique a été établie par de nombreux travaux francophones et internationaux de science politique, ceux-ci tendent souvent à présenter cette dynamique comme le résultat (inéluctable) de la « complexification » et de « l’interdépendance » croissantes des problèmes publics. Pourtant, si l’on s’accorde avec Joseph Gusfield (2009) sur le fait les politiques contribuent à construire les « problèmes » qu’elles se donnent pour objet de traiter, le franchissement des frontières bureaucratiques n’a rien d’évident. Plus encore, il est redevable d’un examen scientifique approfondi visant à en identifier les acteurs et les ressorts, les tentatives réussies tout autant que les résistances et les échecs. Cette double journée d’étude propose ainsi de penser l’association de domaines d’action publique, à la fois à partir de mots d’ordre et de normes politico-bureaucratiques et au prisme de la division des rôles professionnels et des pratiques concrètes de travail.
Dans le prolongement d’une section thématique organisée en juillet 2017 au Congrès de l’Association française de science politique, on analysera ici les conditions de félicité et de mise en échec des « débordements sectoriels » de l’action publique : pourquoi et comment l’action publique devient-elle « transversale » ? Au nom de quoi, et dans quelles conditions, certains remettent-ils en cause le partage établi entre différents segments bureaucratiques, qu’il s’agisse, par exemple, de coopération entre domaines distincts (« intersectorialité »), ou de l’incorporation de certains enjeux dans l’ensemble des domaines (« transsectorialité ») ? Pour répondre à ces questions, nous faisons le pari que le concept de « frontière bureaucratique » peut permettre de penser à nouveaux frais les modalités de franchissement, de transgression, voire de déstabilisation des limites entre les différents domaines d’intervention publique.
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Mercredi 4 avril
9h-9h15 : Mot de bienvenue de Jean-Gabriel Contamin (Doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’U. Lille, directeur adjoint du CERAPS)
9h15-9h45 : Introduction et présentation scientifique de la journée par les organisateurs
10h-12h30 : Axe 1 — La transversalité : promotion et appropriation d’une norme européenne
Président de séance : Julien O’Miel (CERAPS, U. de Lille)
Discutante : Pauline Ravinet (CERAPS, U. de Lille)
• Sophie Jacquot (CReSPo, IEE, U. St-Louis Bruxelles) : Le gender mainstreaming, un exemple emblématique de transversalisation de l’action publique
• Frédéric Edel (Cera, École nationale d’administration) : La mise en œuvre des études d’impacts sexués des projets de lois et règlements : une illustration de la difficile interministérialisation de la prise en compte des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes
• Didier Georgakakis (CESSP, U. Paris 1) : Mainstreaming SSH. Quelques remarques ethnographiques sur les recompositions de la politique européenne de recherche sous H2020
• Fanny Bouquerel (CRESPPA-LabToP, U. Paris 8) : La transversalité de la culture dans la politique de cohésion communautaire : le cas de la région Sicile
12h30 -14h : Pause déjeuner
14h-16h30 : Axe 2 — La transversalité est-elle soluble dans la territorialisation ? Logiques sectorielles et recompositions territoriales
Présidente de séance : Anne-Cécile Douillet (CERAPS, U. de Lille)
Discutant : Aymeric Mongy (CERAPS, U. de Lille)
• Jordi Gomez (Docteur de l’U. Paris 2) : Les contours incertains du « transfrontalier »
• Cécile Ferrieux (Territoires, AgroParisTech) : La territorialisation marque-t-elle la fin des ordres sectoriels ? L’exemple de la politique de gestion des risques dans la « Vallée de la Chimie »
• Francesca Artioli (U. Paris Est-Créteil, Lab’Urba) : Territorialiser les plateformes numériques : la recomposition municipale des conflits sectoriels autour des locations de courte durée. Le cas de Milan
• Clément Boisseuil (CEE, Sciences Po Paris) : « À chacun son métier ». Les obstacles à la transversalité dans la concrétisation des programmes de renouvellement urbain de Paris et de Plaine Commune
16h30-17h : Pause
16h45-18h30 : Table ronde plénière – Secteurs, action publique et division du travail bureaucratique : échanges entre Charlotte Halpern (CEE, IEP Paris), Sophie Jacquot (Crespo, U. St Louis-Bruxelles), Vincent Dubois (SAGE, U. de Strasbourg) et Philippe Bezès (CEE, IEP Paris), animés par Thomas Alam (CERAPS, U. de Lille)
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Jeudi 5 avril
10h-12h30 : Axe 3 — Les dynamiques professionnelles des débordements sectoriels
Président de séance : Luc Sigalo Santos (IRISSO, U. Paris-Dauphine et CRESPPA-LabToP)
Discutant : Olivier Quéré (Triangle, U. de Lyon)
• Gwenaëlle Perrier (CERAL, U. Paris 13) et Pauline Delage (Triangle, U. de Lyon et LAMES) : Les formations sur les violences faites aux femmes : enjeux professionnels d’un instrument transectoriel
• Cécile Talbot et Julien O’Miel (CERAPS, U. de Lille) : Des professionnel-les de la (dé)monstration : pratiques et dispositifs de la démocratie participative et de l’égalité femmes-hommes au conseil régional du Nord-Pas de Calais
• Alice Mazeaud (CEJEP, U. La Rochelle), Magali Nonjon (CHERPA, Sciences Po Aix) : La transversalité des politiques participatives : une mise en administration sous tensions entre
« compétence » et « métier »
• Anouk Flamant (Triangle, U. de Lyon) : Une « transversalité » synonyme de marginalité ? Les politiques d’emploi des personnes en situation de handicap dans les collectivités territoriales
12h30-14h : Pause déjeuner
14h-16h30 : Axe 4 — D’un secteur à l’autre : (re)qualification des problèmes publics et registres d’intervention
Président de séance : Vincent Lebrou (SAGE, U. de Strasbourg)
Discutante : Laurie Boussaguet (CUREJ, U. de Rouen et Centre Robert Schuman, IUE Florence)
• Sarah Abdelnour (IRISSO, U. Paris-Dauphine, PSL) : Des politiques de création d’entreprises transmuées en politiques sociales : le cas de l’auto-entrepreneuriat et de l’ubérisation
• Morgane Paris (SAGE, U. de Strasbourg) : L’action publique en matière de handicap psychique : la dilution du social dans une politique médicale
• Julie Vaslin (Triangle, U. de Lyon) : Le gouvernement de l’esthétique urbaine entre propreté et culture : le cas du graffiti
• Fanny Debil (Agence française de sécurité sanitaire et CEPEL, U. de Montpellier) : Aux limites de la transversalité, la santé-environnement ? Acteurs et luttes de la planification française
16h30-16h45 : Pause
16h45-17h30 : Synthèse des deux jours par Anne-Cécile Douillet (séance plénière conclusive)