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Portrait : Georges Meyer

Georges Meyer est docteur en science politique de l’Université Paris 8. Il a notamment travaillé sur la censure d’État du cinéma en France dans les années 1960-1970.

Pourrais-tu brièvement nous présenter ton travail de recherche ?

Ma thèse a porté sur les transformations de la censure d’État du cinéma dans les années 1960-1970 et sur les mobilisations qui y sont liées. Le cadre théorique dans laquelle s’insère cette recherche est la théorie de la différenciation sociale, selon laquelle la société se différencie en espaces sociaux relativement autonomes. J’étudie, à travers le prisme de la censure, le processus d’autonomisation du champ du cinéma vis-à-vis de l’État, qui se précise dans les années post-1968. J’envisage ce processus de manière interne (les logiques et dynamiques propres au champ du cinéma) mais aussi de manière externe (les logiques et dynamiques multisectorielles, c’est-à-dire issues de la confrontation entre le champ du cinéma et les différents secteurs de la société, tout particulièrement les secteurs étatiques de tutelle, mais aussi, par exemple, l’Église ou le champ intellectuel). Mes matériaux sont surtout des archives conservées essentiellement aux Archives nationales, mais il y a aussi des films, des articles de presse, des essais et de très nombreuses autres sources primaires de nature variée.

Dans quel(s) domaine(s) de la science politique peut-on inscrire cette recherche ?

C’est une thèse de sociologie politique dans laquelle j’utilise des outils et des approches de nombreux domaines de la sociologie politique, comme la sociologie de l’action publique ou la sociologie des institutions. Par exemple, en étudiant les années 1968 à travers le prisme de la censure du cinéma, je m’appuie sur la sociologie des crises politiques.

Est-ce que tu te concentres sur la censure politique du cinéma ?

Il y a en effet, jusqu’au début des années 1970, beaucoup de films sanctionnés, voire interdits totalement pour des raisons explicitement « politiques » par les censeurs, comme les films portant sur la guerre d’Algérie (Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard), des films sur mai 1968 ou des films cubains et soviétiques accusés de « propagande ». Mais l’essentiel des films censurés le sont pour sauvegarder officiellement les « bonnes mœurs », selon un éventail varié de normes esthétiques, sociales et morales, lesquelles sont l’enjeu de conflits et de transformations, y compris chez les censeurs. Comme, à travers la censure du cinéma, il s’agit de protéger la « masse » qui confondrait la réalité et l’imaginaire, la censure du cinéma est une des modalités du gouvernement des conduites. Les mobilisations du champ du cinéma contre la censure d’un film en particulier ou contre la censure en général à partir de 1968 tendent à politiser la censure, y compris pour des films censurés en raison des « bonnes mœurs ». Toute censure devient alors politique.

Entretien réalisé par Vincent Farnea le 13 janvier 2015.



7 janvier 2019