Composition du jury
Juan Díez Medrano, Professeur des universités, Universidad Carlos III de Madrid (président)
Dafne Muntanyola, Professeur agrégé, Universitat Autònoma de Barcelona (rapporteur)
Alain Quemin, Professeur des universités, Université Paris 8, Membre Senior de l’Institut Universitaire de France (directeur de thèse)
Arturo Rodríguez Morató, Professeur des universités, Universitat de Barcelona (directeur de thèse)
Gisèle Sapiro, Directrice de recherche, Centre National de la Recherche Scientifique, Directrice d’études, École des Hautes Études en Sciences Sociales (rapporteur)
Résumé
Cette thèse étudie les migrations des artistes et des intermédiaires de l’art contemporain espagnols au sein de l’Union européenne depuis 1986. Elle s’intéresse aux effets de la globalisation de l’art dans l’émergence d’un espace artistique européen unifié et dans l’implantation d’un nouveau modèle professionnel internationalisé au sein du secteur espagnol de l’art contemporain. La mobilité internationale des participants à la scène artistique espagnole a été facilitée par le régime de libre circulation de citoyens entre les pays membres de l’Union européenne et encouragée par de nombreux dispositifs institutionnels de promotion de la mobilité qui s’adressent spécifiquement aux jeunes et aux professionnels du secteur culturel. La thèse défendue dans ce travail de recherche est que la migration depuis l’Espagne vers un centre artistique européen peut être analysée comme un outil de gestion de l’incertitude de la carrière au sein du monde de l’art contemporain « globalisé ».
Les techniques qualitatives de récolte et d’analyse de données mobilisées dans cette recherche ont permis de rendre compte des motivations à la migration déployées par les artistes et les intermédiaires de l’art contemporain espagnols. L’enquête rend compte des préférences de destination et des modalités d’insertion dans une nouvelle scène artistique à l’étranger. Les stratégies de gestion de l’incertitude de la carrière au sein du monde de l’art associées aux modalités de migration apparaissent fortement conditionnées par les caractéristiques sociales des individus et par leurs expériences de socialisation. Ces expériences socialisatrices influencent la définition et la mise en œuvre du projet de développement professionnel à l’étranger : du choix de la destination jusqu’au recours aux dispositifs institutionnels de promotion de la mobilité internationale en passant par les modes d’insertion dans la scène artistique d’accueil. Des carrières artistiques typiques sont mises au jour, qui s’articulent à des parcours de migration. En intégrant la dimension spatiale dans l’étude des trajectoires de professionnalisation et d’accès à la reconnaissance artistique, cette thèse interroge le rôle de la migration dans le processus d’internationalisation des carrières des artistes et des intermédiaires espagnols au sein du monde de l’art contemporain « globalisé ».
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Composition du jury
M. Didier BIGO, Professeur à King’s College
M. Philippe BONDITTI, Maître de conférences à l’Université Catholique de Lille
Mme Vanessa CODACCIONI, Maîtresse de conférences HDR à l’Université Paris VIII, co-directrice de la thèse
M. Bertrand GUILLARME, Professeur à l’Université Paris VIII, Directeur de la thèse
Mme Wanda MASTOR, Professeure à l’Université Toulouse Capitole - rapportrice
Mme Karine PARROT, Professeure à l’Université de Cergy - rapportrice
Résumé
A la suite des attentats du 11 septembre 2001 et dans le cadre du volet clandestin de la « guerre contre la terreur », les États-Unis développent un programme secret du nom de « programme de restitutions extraordinaires » dont l’objectif est la capture, le transfert par avion et la détention de suspects de terrorisme dans des prisons hors du territoire américain, disséminées à l’échelle internationale.
Dans notre thèse, qui constitue la première étude approfondie du programme de restitutions en langue française, nous analysons l’économie mondialisée de la répression qui le sous-tend.
Elle se caractérise par une dynamique expansionniste qui, entre 2002 et 2008, organise un vaste réseau répressif articulé autour de points fixes : les centres de détention, reliés entre eux par les flux des vols de restitutions quadrillant la quasi-totalité du globe. Par la suite, la logique expansionniste du programme de restitutions le conduit, à partir de 2007, à s’exporter vers de nouveaux terrains dans la Corne de l’Afrique où, les acteurs locaux au nom de la lutte antiterroriste régionale, intègrent dans leur répertoire répressif la pratique des restitutions et en renouvellent l’usage.
L’étude de la pratique américaine et africaine des restitutions nous permet ainsi de saisir ce dispositif répressif dans sa globalité et de mettre en avant la rationalité hautement cynégétique qui se trouve au fondement de la lutte antiterroriste.
Composition du jury
Pierre-Yves Baudot, Professeur de sociologie, Université Paris-Dauphine – IRISSO
Didier Demazière (rapporteur), Directeur de recherche au CNRS, Sciences Po Paris – CSO
Nicolas Duvoux (directeur), Professeur de sociologie, Université Paris 8 – CRESPPA-LabToP
Emmanuelle Fillion, Enseignante chercheuse en sociologie, EHESP – Arènes
Patrick Hassenteufel (rapporteur), Professeur de science politique, Université de Versailles-Saint-Quentin-Paris-Saclay – Printemps
Nathalie Morel, Assistant professor en science politique, Sciences Po Paris – LIEPP
Cette thèse s’intéresse aux institutions de travail protégé à l’aune de la promotion de l’inclusion des personnes handicapées en milieu ordinaire. Cumulant différentes méthodes d’enquête (entretiens, observations, recueil et analyse de documentation officielle), elle adopte une approche transversale mettant en lumière l’interdépendance des différents niveaux d’action publique et mobilise une comparaison avec la Suède pour éclairer le cas français par contraste. L’analyse des modalités concrètes de la mise en œuvre du modèle inclusif vis-à-vis des personnes handicapées les plus éloignées du marché du travail nuance l’opposition entre inclusion en milieu ordinaire et institutions spécialisées. Elle montre que les différents modèles de politiques se cumulent plus qu’ils ne se substituent les uns aux autres. La France comme la Suède, pourtant présentée comme un modèle en matière d’inclusion, conservent ainsi un large secteur de travail protégé (5 places en milieu protégé pour 1000 actifs en France ; 11 en Suède). En Suède, l’appropriation de l’objectif d’inclusion par l’ensemble des acteurs de l’insertion professionnelle a conduit à une large diffusion des méthodes d’emploi accompagné de sorte que même les bénéficiaires de dispositifs spécifiques travaillent en milieu ordinaire. En France, l’objectif a essentiellement été réapproprié par le secteur du handicap qui a créé de nouveaux dispositifs dédiés, aboutissant indirectement à un renforcement des spécialisations des acteurs. Dans un contexte où les exigences du marché du travail s’accroissent, la thèse met en évidence les apports des dispositifs spécialisés accompagnant vers le milieu ordinaire et/ou proposant une offre alternative d’activité professionnelle.
Le jury est composé de Elsa Dorlin (directrice de thèse), Camille Froidevaux-Metterie, Bertrand Guillarme, Frank Mort et Joyce Outshoorn.
Résumé : Le 14 février 2017, l’Irlande a suivi l’exemple des pays comme la Suède et la France et a adopté une loi qui, basée sur la qualification de la prostitution comme violence envers les femmes, criminalise l’achat de services sexuels afin de déplacer son fardeau social et légal des prostituées (« les victimes ») aux clients (« les délinquants »). Cette loi, connue comme le « modèle nordique », a eu pour conséquences la centralisation de l’activité des acteurs abolitionnistes sur une stratégie unique et un objectif unifié aux niveaux à la fois national et international, conduisant à sa prédominance actuelle en Europe. L’action actuelle remonte à la croisade morale menée par la réformatrice sociale britannique et féministe libérale Joséphine Butler pour l’abrogation des lois sur les maladies contagieuses de 1864, de 1866 et de 1869. Ces lois ont mis en place un régime de régulation de la prostitution qui, dans l’intérêt de la santé publique, imposait l’enregistrement et l’examen médical des prostituées dans les villes de garnison en Grande-Bretagne et ses territoires d’outre-mer. Cependant, à la suite de l’expansion de cette campagne à la fois sur le plan international et dans sa portée (par exemple, l’inclusion de « l’esclavage blanc »), beaucoup des partisans abolitionnistes se sont écartés de la position de Butler selon laquelle la réglementation et la norme morale double (« double moral standard ») qu’elle institutionalise, représentaient une violation de la dignité humaine (et surtout féminine), en faveur de la rhétorique conservatrice et répressive de la pureté sociale.
Cette thèse vise à jeter un nouvel éclairage sur ce mouvement social, à la fois sa manifestation historique et contemporaine, à travers le prisme de ses émotions politiques. Adoptant une approche socio-historique, j’examine la genèse de l’abolitionnisme et je transforme l’émotion abolitionniste en objet d’étude à travers la mobilisation de différents dispositifs heuristiques interdisciplinaires, notamment les communautés émotionnelles, les pratiques émotionnelles et les économies émotionnelles. Je problématise les émotions de trois manières. Premièrement, les émotions - phénoménologiquement vécues et interprétées par un corps vécu et socialement situé - sont culturellement contingentes et historicisables ; par conséquent, les changements et les variations dans les pratiques et les normes émotionnelles sont décelables dans le temps et dans des contextes sociaux divergents. Deuxièmement, les émotions sont des outils dans la pratique sociale : elles font des choses et sont faites, souvent à la suite de diverses actions axées sur des objectifs qui façonnent et subjectivent à la fois l’agent émotif et les objets vers lesquels ces émotions sont dirigées. En dernier lieu, les émotions ont la capacité de fonctionner comme une sorte de capital au sein des économies émotionnelles, accumulant de la valeur grâce à leur circulation et à leur distribution. Cette étude trace donc une histoire « itinérante » des émotions politiques abolitionnistes : elles se déplacent à travers l’espace et le temps en tant que constructions culturelles entre les personnes, les objets et les choses, notamment produisant des connaissances spécifiques à un groupe à leur égard qui déterminent si et dans quelle manière ils se tissent, ou ils s’écartent.
Comme je le démontrerai, le mouvement abolitionniste s’est mêlé au mouvement féministe transnational et à ses diverses campagnes. En adoptant une perspective épistémologique historique sur le mouvement abolitionniste et ses émotions politiques, mon objectif est donc de contribuer à une meilleure compréhension du rôle joué par l’émotion dans la production de la connaissance du groupe, mais surtout en ce qui concerne la connaissance basée sur le genre. Un élément essentiel pour moi ici est de conceptualiser l’émotion comme une forme de cognition représentant une autre source de connaissance à côté de - et non en opposition à - la raison ou la perception. Alors que l’étude épistémologique de l’émotion reste controversée, plusieurs chercheurs ont démontré qu’elle présentait des pistes de recherche stimulantes. En raison des progrès récents en neuroscience, il est devenu moins discutable de constater que les émotions dirigent presque tout ce que fait un individu et, en soulignant leurs aspects actif, volontaire et socialement construit, cette thèse les décrit comme englobant une forme de connaissance située. Ceci est particulièrement visible dans l’activisme transnational pour les droits des femmes - pour lequel la « violence envers les femmes » est devenue la pierre angulaire -, où des connaissances féministes autrefois périphériques reposaient sur des capacités émotionnelles uniquement féminines (par exemple, la capacité maternelle pour la compassion) et des expériences émotionnelles (par exemple, l’expérience vécue de la victimisation) ont gagné en estime et en légitimité pour devenir des discours dominants, bien entendu au détriment des connaissances alternatives.
Jury : Catherine ACHIN, Professeure, Université Paris Dauphine (directrice de thèse), Olivier FILLIEULE, Professeur, Université de Lausanne (rapporteur), Frédérique MATONTI, Professeure, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (présidente du jury), Jérôme PELISSE, Professeur, Sciences – Po, Violaine ROUSSEL, Professeure, Université Paris 8 (directrice de thèse), Maud SIMONET, Directrice de recherche, CNRS (rapporteure).
Résumé : La thèse porte sur le travail féministe au Planning familial, c’est à dire sur les modalités et les enjeux de la professionnalisation d’une association historique et centrale au sein de l’espace de la cause des femmes, qui participe à la mise en œuvre de politiques publiques dans les domaines de la sexualité et de l’égalité femmes-hommes. Située au croisement de la sociologie de l’engagement, du travail et des professions, et de l’action publique, la thèse s’emploie à démontrer, en prenant le contrepied d’une hypothèse répandue, que les processus d’institutionnalisation et de professionnalisation d’une organisation militante peuvent conduire, dans certaines conditions, à des dynamiques de politisation.
A partir d’une enquête sociohistorique, d’une enquête ethnographique multi-située et d’une enquête par questionnaire, cette thèse analyse les processus de politisation du travail et les politisations au travail, et étudie les relations entre État et organisations militantes au-delà de l’opposition entre intégration et conflictualité. La professionnalisation peut d’abord constituer une stratégie politique et le recours au salariat se révèle sous certaines conditions une ressource politique nécessaire au maintien et au développement de forces militantes. La thèse montre ensuite que les processus de politisation individuelle produits dans les organisations militantes dépendent des modalités de professionnalisation développées à l’échelle locale et des (dis)positions sociales des travailleuses féministes. Enfin, la thèse révèle que l’institutionnalisation du Planning familial constitue un processus non linéaire et analyse les réceptions singulières et hybrides de politiques publiques au cours de leur mise en œuvre.
La thèse saisit ainsi le féminisme d’État « par le bas » en étudiant ce que les politiques publiques en direction des femmes font aux associations féministes qui participent à leur mise en œuvre et ce que, réciproquement, les associations féministes font aux politiques publiques, c’est-à-dire comment ces dernières sont appropriées et traduites dans les activités de l’association.
Composition du jury : Michel Forsé (CMH/CNRS), Bertrand Guillarme, (CRESPPA/Université, Directeur de thèse), Anthony Lantian (LAPPS/Université Paris Nanterre, Catherine Larrère (Université Paris 1), Véronique Munoz-Dardé (UCL et UC Berkeley) et Pascal Wagner-Egger (Université de Fribourg).
Résumé de la thèse : L’idée de mérite possède un statut à part dans les sociétés contemporaines. Comme l’égalité ou la liberté, le mérite est plébiscité au sein des populations de divers pays occidentaux. Cependant, à l’inverse d’un certain nombre d’autres principes moraux, il existe un très fort scepticisme vis-à-vis de cette idée au sein de la littérature philosophique. Nous défendons ici que ce scepticisme est injustifié, et que la popularité du mérite correspond au fait qu’il s’agit bien d’un principe moral incontournable. La spécificité de cette thèse repose en partie sur l’usage d’expériences psychologiques visant à étudier la perception populaire de problèmes philosophiques fondamentaux. Ce recours à des méthodes empiriques est justifié par l’idée que toute théorie morale doit être une mise en cohérence des intuitions populaires. Cet ancrage profond du mérite dans la moralité ordinaire constitue selon nous une justification majeure de la valeur du mérite. De surcroît, nous mettons en avant trois autres justifications. Le mérite joue aussi un rôle instrumental pour la promotion du bien-être collectif, assure une concordance entre l’intérêt public et l’intérêt privé, et sert à constituer une communauté de valeurs. Cette quadruple justification nous permet de mettre en avant la nécessité d’inscrire le mérite au sein d’une théorie pluraliste de la justice sociale.
Composition du jury : Brigitte Gaïti, Professeure à l’Université Paris 1 ; Odile Henry, Professeure à l’Université Paris 8 (co-directrice de thèse) ; Martine Kaluszynski, Directrice de recherche au CNRS, PACTE ; Jacques de Maillard, Professeur à l’Université Versailles-Saint Quentin ; Violaine Roussel, Professeure à l’Université Paris 8 (co-directrice de thèse) ; Alexis Spire, Directeur de recherche au CNRS, IRIS
Résumé de la thèse :
Cette thèse s’intéresse au travail des GIR, qui rassemblent des policiers, gendarmes, inspecteurs de la douane, des impôts, du travail, du recouvrement de l’URSSAF et de la CPAM face à « l’économie souterraine » ou « patrimoine criminel ». Entre 2014 et 2017, j’ai enquêté par observation, entretiens, travail sur archives policières dans trois GIR et leurs juridictions ; et par questionnaire sur la promotion 2016 de la formation « enquêteur GIR ». Créés en 2002, les GIR ont prêté à controverse, étant l’élément-phare de la communication de N. Sarkozy sur les banlieues. Les professionnels recrutés dans les GIR ont conquis leur autonomie en élaborant un nouveau champ d’activité pénale permettant de viser des biens de grande valeur : « le patrimoine criminel » des délinquants aguerris ou appartenant aux milieux aisés. Les policiers, qui apprennent à mener ces procédures atypiques « sur le tas », définissent et mettent en œuvre des catégories de jugement sur la richesse, la pauvreté et l’immoralité de la recherche de profit à partir de leurs propres valeurs et pratiques économiques. La thèse montre comment ces équipes très hétérogènes parviennent à fabriquer et défendre un objectif commun, non prescrit, répondant aux principes d’une justice redistributive. Pour que leurs affaires réussissent, dans un univers professionnel encore peu acquis à leur cause, les agents des GIR développent des compétences de « diplomates » et de « VRP » du « patrimoine criminel ». Ainsi, ces groupes constituent un cas intéressant de « management par le projet » dans les institutions régaliennes.
Composition du jury de thèse :
Michel AGIER, Directeur d’études, École des hautes études en sciences sociales, Paris (rapporteur)
Maria-Benedita BASTO, Maîtresse de conférences, Université Paris-Sorbonne
Françoise BLUM, Ingénieure de recherches, CNRS, Centre d’histoire sociale du XXème siècle de Paris (rapporteuse)
Laurent JEANPIERRE, Professeur de science politique, Université Paris 8/Cresppa-LabToP (directeur de thèse)
Clemens ZOBEL, Maître de conférences en science politique, Université Paris 8/Cresppa-LabToP
Résumé : Cette thèse porte sur la politique transnationale des émigrés mauritaniens contre leur État depuis 1987 et constitue une contribution à l’étude des politiques d’exil. Elle restitue les moments les plus importants d’une lutte menée hors du territoire national en réaction à la discrimination sociale et politique des Négro-mauritaniens depuis l’indépendance du pays en 1960. La thèse part plus spécifiquement de la politique de répression de l’État mauritanien contre une partie de sa population après la publication du « Manifeste du Négro-mauritanien » en 1986 par l’organisation politique des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) créées le 14 mars 1983. En même temps qu’elle étudie une mobilisation politique transnationale, la recherche s’appuie sur une réflexion autour des spécificités de l’État mauritanien. Il s’agit de comprendre comment cet État, fonctionnant sur la base des solidarités tribales, a créé les conditions politiques de contestation de sa légitimité puis est parvenu à résister, malgré son instabilité, à la contestation en provenance de sa population exilée. L’enquête s’appuie sur une recherche documentaire dans la presse mauritanienne, sur des rapports d’organisations internationales, sur des observations ethnographiques et sur des entretiens (n=60) avec des acteurs politiques mauritaniens effectués sur trois terrains différents (France, Belgique, Mauritanie). La première partie de la thèse décrit les causes et les modes d’existence de l’émigration politique mauritanienne. Sont abordés la dimension ethno-raciale de l’État mauritanien, les phases et les lieux d’exil des opposants politiques ainsi que les problèmes qu’ils rencontrent dans la quête de reconnaissance de leur statut de réfugiés. Une deuxième partie porte sur les organisations politiques et les modalités de politisation de l’émigration et explique les raisons de la crise de légitimité progressive de leurs dirigeants. Un troisième et dernier moment de la thèse traite des causes et des effets de la politique du retour des réfugiés mauritaniens officialisée par le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi à partir de 2007. Après avoir interrogé l’évolution du discours politique de l’État mauritanien sur les réfugiés, le choix et les conséquences sociales et politiques du retour au pays d’une partie des réfugiés sont analysés. La thèse souligne que ce retour actuel des réfugiés et des opposants politiques mauritaniens dans leur pays d’origine, même dans un contexte de démocratisation relative, ne s’est pas traduit par une prise en compte de leurs revendications et par un recul des discriminations. Prise dans son ensemble, la thèse peut donc être lue comme l’analyse des raisons de l’échec d’une politique de contestation en situation d’exil.
Résumé : Cette thèse analyse la division moderne des domaines des sciences de la musique et la hiérarchisation des répertoires musicaux qui lui est corrélative. La recherche s’appuie sur une enquête socio-historique menée à partir du cas français et sur plusieurs sources courant du début du XVIIème au milieu du XXème siècle. Elle mobilise des ressources manuscrites et imprimées (documents administratifs, archives savantes et muséales, actes de congrès et autres imprimés issus des Expositions universelles, archives du secteur de l’édition, pièces documentant la collecte et la conservation d’instruments de musique, de chansons et d’enregistrements sonores) qui sont traitées à l’aide de plusieurs méthodes (analyse lexicale, sociologie des textes, bases de données, ethnographie historique). L’enquête met en lumière une configuration de patrimonialisation de la musique pilotée par l’État-nation français, qui participe d’un processus de longue durée de différenciation du social par la musique. Des opérations de collecte et de conservation des objets de musique sont impulsées par le Second Empire et confortées par la Troisième République. Elles concourent à assigner certains répertoires, portés par des populations vivantes, à une anhistoricité – un en-deçà de l’histoire. Ceux-ci sont distingués d’un répertoire « moderne » dont l’histoire comparée de la musique puis la musicologie s’attachent à décrire les progrès. Ce partage est analysé comme un système de domination symbolique institué par plusieurs administrations (Instruction publique, Commerce et Industrie, Beaux-Arts, Colonies), produit et reproduit par différent·e·s agent·e·s mandaté·e·s par l’État (Professeur·e·s, académicien·ne·s, conservateurs et conservatrices, dirigeant·e·s territoriaux). Les répertoires primitivisés au cours de la seconde moitié du XIXème siècle sont regroupés sous l’appellation générique de « musiques de la tradition » et constitués dans un second temps en objets de prédilection d’un domaine disciplinaire – l’ethnomusicologie – qui émerge entre 1950 et 1960. Considérés comme légitimes durant plusieurs décennies, ces différenciations savantes sont aujourd’hui interrogées par les praticien·ne·s de ces domaines. En historicisant l’émergence du couple oppositionnel primitif/civilisé sous-jacent aux divisions des sciences de la musique et des répertoires musicaux, cette thèse voudrait contribuer à nourrir ces débats contemporains.
Le jury est composé de : Estebán Buch, Directeur d’études, EHESS, CRAL (rapporteur), Vincent Dubois, Professeur de science politique, Université de Strasbourg, SAGE (rapporteur), Jacqueline Eidelman, Conservatrice générale du patrimoine, Ministère de la Culture, Direction générale des patrimoines (examinatrice), Laurent Jeanpierre, Professeur de science politique, Université Paris 8, CRESPPA (directeur), Arnaud Saint-Martin, Chargé de recherche en sociologie, CNRS, CESSP (examinateur) et Emmanuelle Sibeud, Professeure d’histoire contemporaine, Université Paris 8, IDHES (examinatrice).
Résumé de la thèse : De toutes les musiques populaires contemporaines, le rap, né dans le South Bronx à New York vers le milieu des années 1970, est probablement celle que l’on associe le plus communément à l’expression d’un discours masculin misogyne. Les rappeuses elles-mêmes décrivent fréquemment le rap comme un environnement masculin voire hostile aux femmes. Pourtant, de 1979 à aujourd’hui, plusieurs générations de rappeuses ont fait le choix d’investir cet espace, écoulant des dizaines de millions de disques et participant de manière significative au développement de cette musique, sans être reconnues à la hauteur de leur contribution la plupart du temps. Cette thèse, inscrite au croisement de la science politique et des sciences de l’information et de la communication, s’intéresse à la façon dont des femmes noires des classes populaires négocient leur place – et leur identité – dans une industrie dominée par les hommes. Grâce au rap, elles accèdent à une forme de visibilité sociale dans l’espace public qui leur permet de faire entendre un discours sur le genre, la race et la sexualité à rebours des représentations hégémoniques. La représentation étant un principe organisateur des relations sociales réelles, l’analyse du discours des rappeuses aide à mieux comprendre la façon dont se constituent et sont contestées les normes de genre, de race et de sexualité aux États-Unis. Le rap est aujourd’hui l’un des principaux lieux de (re)production de ces normes, et le terrain d’une guerre de position culturelle à propos des différentes idéologies de genre et de race. Dans le rap, des artistes femmes performent leur genre et leur race et construisent autrement leur identité, loin des modèles dominants de la féminité.
Le jury sera composé de Bertrand Guillarme, Professeur à l’Université Paris 8, Cresppa-LabToP (directeur de thèse), Isabelle Garcin-Marrou, Professeure à Sciences Po Lyon, ELICO, Karim Hammou, chargé de recherche au CNRS, Cresppa-CSU, Frédérique Matonti, Professeure à l’Université Paris 1, CESPP, Tristan Mattelart, Professeur à l’Université Paris 2, CARISM.
Cette thèse analyse les processus de politisation et dépolitisation de films documentaires attachés à l’urbain stigmatisé et prend pour objet 42 films tournés dans les quartiers du Centre-ville Basilique à Saint-Denis et de la Joliette à Marseille entre 2000 et 2010. L’enquête s’appuie également sur une série d’entretiens semi-directifs auprès des réalisateurs et d’analyses filmiques, ainsi que sur un ensemble de sources afférentes à l’activité promotionnelle ou théorique des réalisateurs. Au croisement des sociologies de l’art, du cinéma, du journalisme et des professionnels engagés, cette thèse vise à dresser les contours d’un espace du documentaire en voie d’autonomisation. Elle propose une analyse des trajectoires sociales et professionnelles des documentaristes, des clivages au sein de cet espace du documentaire et des collaborations nécessaires à la fabrique et à la diffusion des documentaires. Elle permet de revenir sur nombre de représentations couramment accolées à cette pratique allant du rapport à la politique entendu au sens large, à la place accordée au réalisateur dans le processus de création et à la division entre cinéma et journalisme. En plaçant au centre les logiques de professionnalisation et les relations avec des acteurs, intervenants filmés et publics étrangers à l’espace documentaire, ce travail reconsidère les conditions d’un engagement politique et les prises de position par et au travers des films.
Le jury est composé de : Laure de VERDALLE (Chargée de recherche au CNRS – Laboratoire Printemps - Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Lilian MATHIEU (rapporteur, Directeur de recherche au CNRS – Centre Max Weber – École Normale Supérieure de Lyon), Bruno PÉQUIGNOT (président de jury, Professeur des Universités – Université Sorbonne Nouvelle – Laboratoire Cerlis), Gwenaële ROT (rapportrice, Professeure des Universités – Institut d’Études Politiques de Paris – Centre de sociologie des organisations) et Violaine ROUSSEL (directrice de thèse, Professeure des Universités – Université Paris 8 – CRESPPA-LabToP).
Composition du jury :
Résumé de le thèse :
Cette thèse a pour objet la transformation de l’institution de la censure d’État du cinéma en France, entre 1961, date d’une réforme qui la durcit, à 1975, année de la mise en place de la classification « X » et de l’octroi de la liberté d’expression au cinéma. Son enjeu principal est d’interroger, à travers cette institution et sa mutation, ce qui se joue dans-la bifurcation des années 1968. Pour cela, cette thèse est construite autour d’un cadre théorique spécifique articulant notamment la sociologie politique des institutions et la théorie de la « civilisation » de Norbert Elias. Ses matériaux sont essentiellement des archives étatiques, mais aussi des sources imprimées comme la presse.
La première partie étudie la configuration des années 1960, où l’emprise étatique de la censure sur le cinéma est soutenue par des entrepreneurs de morale publique. Le premier chapitre est consacré à la genèse socio-historique de la réforme de 1961. Cette réforme conduit au durcissement du dispositif institutionnel de la censure d’État du cinéma. Elle résulte de la légitimation étatique d’une croisade morale dirigée contre les films jugés immoraux. Des acteurs et organisations variées (notamment les associations familiales et l’Église catholique) se mobilisent pour un renforcement de la censure du cinéma, poussant les maires à interdire localement les films à scandale. La réforme objective officiellement un rapport de force défavorable aux organisations professionnelles du cinéma et au ministère des Affaires culturelles. Le nouveau dispositif issu de la réforme renforce le pouvoir du ministre de tutelle et fait entrer dans la commission de censure des experts, chargés de rendre la censure « scientifique ».
Le deuxième chapitre s’intéresse à l’« affaire » liée au film La Religieuse (1966) de Jacques Rivette. Il propose une discussion critique des catégories d’analyse de l’« affaire » et du « scandale » en sociologie. Les conditions de possibilité de la décision du secrétaire d’État à l’Information Yvon Bourges d’interdire totalement ce film sont analysées : il s’agit d’un coup politique légitimant une croisade morale menée par des membres du clergé catholique contre ce film. Les logiques et dynamiques du déploiement multisectoriel de l’ « affaire » sont mises au jour. Loin de mener de manière linéaire à la décision du Conseil d’État d’octroyer la liberté d’expression au cinéma en 1975, cette « affaire » représente toutefois une épreuve pour l’institution censoriale, mais aussi pour les ecclésiastiques qui se sont mobilisés contre le film.
La deuxième partie étudie en profondeur les logiques étatiques de l’ordre censorial entre 1961 et le début des années 1970. Le troisième chapitre prend pour objet la censure politique des films exercée par l’institution étudiée, entre le début des années 1960 et le début des années 1970. L’enjeu est d’interroger la persistance d’une censure politique des films dans un contexte démocratique et son déclin après 1968. Le chapitre examine d’abord comment cette forme de contrôle se pratique dans les années 1960 : une étude de cas sur la carrière censoriale du Petit Soldat de Jean-Luc Godard est développée. Les logiques et dynamiques de l’affranchissement des films de la censure politique sont examinées. Le déclin relatif de la « censure politique » résulte à la fois de logiques politiques au sommet de l’État et des mobilisations du champ du cinéma, dont une frange s’est alliée depuis 1968 avec les mouvements sociaux.
Le quatrième chapitre interroge la transformation de la censure menée au nom des « bonnes mœurs » entre 1961 et le début des années 1970. Son enjeu principal est de discuter la théorie du « procès de civilisation » de Norbert Elias. On montre en effet que la gestion de la représentation cinématographique de la violence ou du sexe par l’institution censoriale peut se comprendre à l’aune du processus de « civilisation des mœurs ». Pendant toute la période, mais plus encore à partir de 1968, l’institution fait face à une extension des transgressions cinématographiques au régime des mœurs. À partir de 1968, la censure des mœurs est l’objet d’une politisation par les créateurs de films, qui remettent en cause le partage entre les mœurs et la politique. De plus, la croyance au danger des films sur le public, fondement de la police des mœurs exercée par l’institution, tend à décroître.
La troisième partie interroge les enjeux artistiques de l’action publique relative au contrôle des films. Le cinquième chapitre traite du rapport entre l’institution censoriale et l’art cinématographique. Entre 1961 et 1974, on montre comment les censeurs sont saisis, et de plus en plus, par l’illusio cinématographique, c’est-à-dire par le principe de classement et de hiérarchie des œuvres forgé au sein du champ du cinéma. Les jugements esthétiques de la censure viennent aggraver ou adoucir les sanctions de la police des mœurs. Les censeurs sont en effet bien plus tolérants envers ce qu’ils appréhendent comme des chefs-d’œuvre que devant des films qu’ils jugent sans qualité. On analyse toutefois les tentatives de coup d’arrêt censorial vis-à-vis du processus de légitimation artistique des transgressions au régime des mœurs, en se focalisant sur des films jugés de valeur, mais interdit totalement par la commission de censure.
Le sixième chapitre se concentre sur l’action publique relative au contrôle des films entre 1968 et 1975. Dans un contexte de mobilisations du champ du cinéma contre la censure, plusieurs projets de réforme, voire de suppression de la censure d’État sont soutenus au sein du ministère de l’Information, puis à partir de 1969, au sein du ministère des Affaires culturelles. Toutefois, ces réformes n’aboutissent pas, notamment en raison d’un rapport de force défavorable au sein de l’État. On s’intéresse ensuite à la sociogenèse de la réforme de la classification « X » en 1975. Cette réforme distingue de manière officielle les films qui relèveraient de l’art du cinéma et ceux qui relèveraient de la pornographie, lesquels sont l’objet d’une compartimentation administrative et fiscale.
Cette thèse analyse le traitement public du chômage dans le secteur artistique en France. Elle prend pour objet deux dispositifs publics spécialisés, qui visent le « retour à l’emploi » d’artistes demandeurs d’emploi et/ou allocataires du RSA : l’un relève de la politique nationale de l’emploi (ANPE, puis « Pôle emploi spectacle »), l’autre de la politique sociale départementale (RMI puis « RSA artiste »). L’enquête, socio-historique et ethnographique, a été conduite à Paris et en Gironde entre 2010 et 2014. Elle a permis de récolter un matériau diversifié, composé d’archives administratives, d’entretiens et d’observations, à tous les niveaux de l’action publique – ministères et élus locaux, experts et partenaires institutionnels, cadres territoriaux, street-level bureaucrats et usagers.
La spécialisation sectorielle d’une action publique généraliste accentue les tensions relatives à l’organisation institutionnelle, à la formalisation des rôles professionnels et au traitement ordinaire des usagers. D’un côté, les agents de l’administration des vocations tentent d’adapter des usagers suspectés d’onirisme à la « réalité » du marché de l’emploi. De l’autre côté, ils s’efforcent eux-mêmes de se conformer au fonctionnement d’un domaine d’activités peu porté vers l’intermédiation publique. L’incongruité du rapprochement entre logique bureaucratique standardisée et impératif artistique de singularisation permet de renouveler l’analyse de l’individualisation d’un traitement de masse, caractéristique structurante de la régulation politique des rapports sociaux.
Pierre-Yves Baudot, Professeur de science politique, Université de Picardie, CURAPP (rapporteur)
Thierry Berthet, Directeur de recherche CNRS, Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux
Anne-Cécile Douillet, Professeure de science politique, Université Lille 2, CERAPS (rapporteure)
Vincent Dubois, Professeur de science politique, Université de Strasbourg, SAGE (directeur de thèse)
Nicolas Duvoux, Professeur de sociologie, Université Paris 8, CRESPPA
Laurent Jeanpierre, Professeur de science politique, Université Paris 8, CRESPPA (directeur de thèse)
Anne-Marie AUTISSIER, maitre de conférences HDR à l’Institut d’études européennes, Université Paris 8
Sara BONINI BARALDI, chercheuse, Università di Bologna
Paola DUBINI, maitre de conférence, Università Bocconi
Jean-Louis GENARD, professeur, Université libre de Bruxelles
Guy SAEZ, directeur de recherche, CNRS
Renaud ZUPPINGER, professeur émérite à l’Institut d’études européennes, Université Paris 8
Cette recherche étudie la mise en œuvre de la politique de cohésion communautaire en Région Sicile en analysant particulièrement son volet culturel. En adoptant une approche à l’échelle microscopique basée sur de nombreux entretiens, nous mettons à jour un cadre d’intervention inopérant. Caractérisée par son extrême complexité, la politique de cohésion, élaborée dans le cadre d’une gouvernance multiniveaux, s’articule difficilement avec la politique de développement des régions et pays concernés. Sa mise à l’épreuve du terrain révèle des failles remettant lourdement en cause son efficacité. La culture y est reconnue pour sa contribution au développement du tourisme fondé sur la valorisation du patrimoine, envisagé comme l’une des principales ressources locales. Pourtant, l’évolution divergente du référentiel culturel à Bruxelles, en Italie et en Sicile a précarisé sa place et reflète une vision réductrice qui s’intéresse uniquement à son impact économique. Par ailleurs, cette politique promeut le principe du partenariat, qui suppose l’implication de l’ensemble des parties prenantes d’un territoire. En Sicile, la Région se réserve pourtant la grande majorité des financements disponibles, forte de son pouvoir et de sa compétence culturelle, au détriment d’un secteur culturel faiblement structuré qui reste globalement exclu. Enfin, la politique de cohésion apparaît comme un révélateur des crises politiques sicilienne et européenne : certains acteurs institutionnels insulaires privilégient volontairement l’inertie, tandis que le manque de réaction des institutions communautaires pourrait traduire l’absence de volonté de promouvoir une réelle cohésion européenne.
21 janvier 2022
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